OLIBRIUS

Ou comment un nom propre devient un nom commun

Le plus important Olibrius est celui qui fut empereur d’Occident en 472. Utilisé comme un pion entre les mains d’un malin patrice (Ricimer), il fut installé sur le trône laissé vide par le prédécesseur auparavant dûment assassiné.  Toutefois, le règne d’Olibrius dura …trois mois ! Tout ça pour ça !

Il existe un autre Olibrius (ou Olibryus) :  un  fonctionnaire romain qui fut  représenté dans les « mystères » du Moyen Age… Ces fêtes spectacles offertes au peuple par l’Eglise avaient pour objectif de raconter l’Histoire Sainte et les représentations duraient environ deux à quatre jours !

Il y figurait comme le martyre de Sainte Reine. En effet, d’après  une vieille légende, cet Olybrius, gouverneur des Gaules, aurait fait décapiter la jeune gauloise, convertie au christianisme, qui ne cédait pas à ses avances et refusait le mariage…

Bravache et cruel il n’inspirait pas la sympathie et était tourné en ridicule. Molière en personne fit référence à ce personnage dans sa comédie « L’étourdi ou les contretemps ». Il met dans la bouche de Mascarille, serviteur de Lélie :

« Courage, mon garçon : tout heur nous accompagne

Mettons flamberge au vent et bravoure en campagne,

Faisons l'Olibrius, l'occiseur d'innocents. »  acte III scène 4

J’adore l’avis de M. ED. THIERRY qui dit : «Quand un nom se répand parmi les bonnes gens, ce n’est pas de l’histoire qu’il vient, c’est du théâtre. »

Ainsi,  apparut à partir du XVIe siècle l’olibrius, nom masculin, qui désigne un homme douteux, un  fanfaron cruel, un drôle de personnage. Et dans le langage familier une personne qui se rend ridicule par un comportement excentrique ou extravagant.

Toutefois, ce mot reste plutôt rare jusqu’au XXe siècle…où il réapparait dans la bouche du capitaine HADDOCK : « Bougre d’olibrius ! » parmi les quelques deux cents injures ou jurons relevés dans les fameuses exclamations dudit capitaine de la célèbre BD. Merci Monsieur HERGE !

Non seulement, voilà un mot tiré de l’oubli, mais en plus la possibilité d’exprimer sa colère sans être vulgaire !

« Espèce d’olibrius ! » est plus doux à nos oreilles,  plus savoureux  et riche que « pauvre con ! » n’est-ce-pas ?